roman

vendredi 12 mai 2017

Et si on se faisait un film?


Fabriquer la bande annonce d'un film à partir de l'un de mes romans en utilisant l'iconographie sur laquelle je me suis appuyée durant son écriture est quelque chose de particulièrement difficile et jouissif. 

Y a-t-il plus belle, plus excitante matière que celle qui a donné vie aux personnages d'un livre? C'est aussi un hommage aux acteurs dont le talent aura inspiré l'écriture du roman, comme ici, Viggo Mortensen. Diane Kruger serait une remarquable Lola et Florent Pagny (si si!) a beaucoup influencé le personnage de Pierre Lombard.
L'action du roman se déroule aux Etats-Unis et en France, d'où ce casting international.

Voici le travail que j'ai réalisé à l'occasion d'un séjour dans une résidence d'auteur à Ragdale Foundation, Chicago, Illinois en février 2017. 

Enjoy.


                                                        Cliquer ici pour visionner la vidéo...











vendredi 24 mars 2017

Du fait réel à la fiction







Desmond Blur est criminologue. 

Son métier est de s'interroger sur des affaires criminelles, d'aborder l'aspect sociologique d'un crime, d'en explorer les origines et le processus, de comprendre et d'échafauder des théories qui pourraient expliquer ou éclairer des actes violents, parfois reproduits dans des circonstances similaires, et à terme, les prévenir ou les arrêter.


Pour aborder un tel personnage, il est nécessaire d'enrichir la narration de récits authentiques sur lesquels le professeur s'est penché, de le voir en situation (conférence) et de suivre le cheminement de ses pensées. 

Voilà pourquoi j'ai glissé dans le roman plusieurs affaires criminelles ou relevant du surnaturel. C'est en confrontant Desmond à ces histoires particulières que l'on comprend sa façon de raisonner. Elles le crédibilisent tout en révélant certaines vérités sur son passé. 
Ces histoires sont aussi une source d'inspiration et d'interrogation pour moi, à l'image de l'affaire Villisca.



 "Desmond reposa son verre ornementé d’une collerette de givre salé, essuyant ses lèvres du pouce.
— L’affaire de Villisca dans l’Iowa en 1912, ça te dit quelque chose ?
— Pas du tout.
— Histoire passionnante. Je consacre l’un de mes cours à ce sujet.
Warren réclama plus de détails. Dans les yeux de Desmond passa comme un long cortège de défunts.
— Huit victimes. Massacrées à la hache. Josiah et Sarah Moore, leurs deux fils et leurs deux filles. Une famille entière abattue au milieu de la nuit à son domicile. Et aussi deux petites voisines, Lena et Ina Stillinger. Les fillettes étaient restées dormir ce soir-là. Un véritable bain de sang dont les murs et les plafonds des chambres témoignaient de la violence. Un nombre incalculable de coups portés avec la hache, d’abord de la partie plate pour assommer, puis avec la lame pour le plaisir de détruire."


 Une affaire horrible, à l'origine de plusieurs ouvrages. Ce qui est intéressant dans ce fait divers, c'est que les crimes ont été perpétrés à la hache, une arme que Desmond a tenue en main pour attaquer le tueur qui menaçait sa famille (à lire dans le précédent roman Black coffee). Aussi étonnant que cela puisse paraître, nombreux sont les crimes commis à la hache. Sans doute faut-il voir dans cet objet la symbolique de l'arme du bourreau, l'idée d'une sentence qui s'accomplirait au-delà du crime. 
Desmond aborde l'affaire Villisca comme un sujet de conférence. Il le maîtrise car il a déjà évoqué cette affaire dans l'un de ses livres. Il va donc donner à Warren Wissen, le documentaliste de Chautauqua Institution, nombre de détails concernant l'affaire, mais aussi, lui faire part de son hypothèse concernant le probable coupable.
Car dans cette affaire, à ce jour, le criminel n'a jamais été désigné. 
Ce n'est pourtant pas les suspects qui manquent.


William Mansfeld
Un forgeron, année 1900
Henry Moore
Frank Jones

"— Ce qui rend l’affaire criminelle de Villisca intéressante, c’est qu’elle regorge de suspects. J’en ai répertorié neuf. 
Un par un, Desmond aligna les petits pics en bois sur le comptoir.
— Un clochard. Un vagabond. Frank Jones, l’ex- employeur de Josiah Moore, propriétaire de la banque de la ville et sénateur – un homme influent dont on supputait qu’il ait pu commanditer ces crimes. William Mansfield, cocaïnomane et serial killer dont les meurtres précédents avaient été commis selon le même mode opératoire. Un autre tueur, adepte de la hache et qui sévissait dans le Midwest. Henry Moore, un fou furieux qui curieusement portait le patronyme des victimes. Un forgeron de la ville. Et un prisonnier attendant d’être jugé pour cambriolage qui prétendit dix-huit ans après les faits avoir été payé pour perpétrer le massacre de Villisca, confirmant l’hypothèse que les crimes auraient été commandités.
Sur le bar, Warren compta huit cure-dents.
— Il en manque un.
Le professeur avala quelques gorgées de margarita
avant de lâcher :
— Tu connais le nom du neuvième."


Le hasard - le destin, cela me convient mieux - fait qu'un crime a réellement été commis à l'Athenaeum Hotel de Chautauqua avec une hache et par un homme dont l'âge correspondait à l'un des suspects de l'affaire Villisca. Il n'en fallait pas plus pour faire le lien entre les deux affaires, lien qui n'existe, bien sûr, que dans mon imagination. 

Les enquêteurs de police chargés de l'affaire
Mais en travaillant sur cette affaire, en relisant les différents témoignages et éléments du dossier (accessible sur internet), j'ai échafaudé une théorie sur le probable coupable que je vous livre au travers du raisonnement de Desmond. Comme souvent dans les affaires non résolues, les indices, nombreux, ne se recoupent pas et ne mènent nulle part si on se focalise sur l'idée qu'un seul homme est à l'origine de tous ces crimes. Parfois, sous la pression politique, la police préfère privilégier certains indices par rapport à d'autres pour dégager un profil et pouvoir rapidement appréhender un suspect, donner à la population une réponse rassurante (le tueur est arrêté) et faire taire la presse.
Ce fut le cas dans cette affaire. 
Il y eu même plusieurs mises en accusations. 
Aucune ne tenait la route. 


Révérend Jacklin L. Kelly
"— Révérend Jacklin L. Kelly. Né en 1873, fils d’un
ministre britannique. Un homme maigre, souffreteux, dépressif chronique et qui fréquente très tôt les hôpitaux psychiatriques où sa famille croit le guérir de ses déviances. Marié, il immigre en Amérique à la fin du XIXe siècle avec sa femme pour prêcher dans les églises méthodistes dans quatre États dont l’Iowa. Il effectue plusieurs missions au nord de Villisca où l’on a tôt fait de remarquer son comportement étrange... Les frites sont grandioses ici, glissa-t-il, piochant les dernières dans son assiette.
— Ce type aurait été soupçonné dans cette horrible affaire ? Tu m’intrigues, s’étonna Warren, dévoré de curiosité.
— ... Le matin du 10 juin 1912, quelques heures avant que l’on découvre le drame, un petit homme maigre prend place à bord d’un train. Au cours du trajet, il affirme aux autres passagers que « huit âmes » ont péri dans la nuit par sa main, massacrées durant leur sommeil. Certains passagers rapportent que le voyageur prétend avoir eu une vision et que Dieu lui a ordonné de suivre l’injonction divine, de commettre le geste de tuer.
Warren se contentait à présent de cligner des yeux."


... La théorie que j'expose dans White coffee est renforcée par le profil particulier de celui qui faillit être accusé et qui fut finalement relâché. 
Ce qui, de mon point de vue apparait comme une évidence, pourrait bien être la résolution de cette triste affaire.




L'enterrement des victimes



vendredi 30 décembre 2016

Chautauqua Institution, NY : là où tout a commencé...

Athenaeum Hotel, Chautauqua

Lors du voyage de repérage du précédent roman Black coffee, j'avais rendu visite à un couple d'amis français installé dans l'Etat de New York. Jonathan et Saskia m'avaient déjà parlé de l'environnement particulier où se trouvait leur restaurant gastronomique La Fleur et de cette ville hors du commun qu'était Chautauqua Institution, à ce contraste entre l'été et l'hiver, la foule estivale et le silence empesé de neige d'octobre à mars.
J'avais déjà imaginé cette ville comme futur décor d'un roman, de disparitions et de morts suspectes dans la population clairsemée au plus rude moment de l'hiver. 



Mais j'étais loin d'imaginer quel lieu hors du commun j'allais découvrir.
Un paradis terrestre. 







"Sous un ciel empourpré, la petite ville de Chautauqua dévoilait ses atours, verdure et maisons à colonnades."


"Chautauqua était une ville hors du temps, gardée, barricadée, née de la volonté d’une poignée d’hommes croyant aux vertus de la discipline artistique en plein air."



Magnolias, allées de briques rouges et drapeaux américains au garde-à-vous à chaque balcon. 

"La haie de rhododendrons avait doublé de volume depuis avril, recouvrant entièrement les tulipes. Les fleurs en entonnoir, blanches et généreuses, retombaient de tout leur poids vers le sol." 


"Les décors les plus extravagants, du héron en bronze martelé au farfadet de terre cuite. Les porches ne se concevaient qu’agrémentés de fauteuils en rotins couverts de coussins crochetés à la main et de mobiles inventifs aux ondulations enchanteresses."



















... Bref! A mon goût, une ville trop belle, trop sage pour être vraie. Bordant le lac Chautauqua, elle n'est accessible que par un portail dont une barrière protège l'accès l'été. Il faut montrer patte blanche pour y entrer. Avec sa population vieillissante et fière des doctrines propres à la ville, Chautauqua Institution évoque le village de la série TV Le prisonnier.
Très vite, l'idée que Desmond G. Blur puisse s'y retrouver m'a effleurée pour ne plus me quitter. Puis, je me suis plongée dans l'écriture de Black coffee.

Ce n'est qu'en juillet 2014 que je suis enfin revenue à Chautauqua pour y faire les repérages de White Coffee ... à vélo.






jeudi 29 décembre 2016

En passant par la Lorraine...



Lorraine

 White coffee est une arche.


Arizona
Une arche qui enjambe l'océan, rapproche les forêts majestueuses de Oak Creek Canyon en Arizona des bois denses où je me promenais, enfant, avec mes parents ou des amis, autour de Nancy.

Lorraine
Ces territoires symbolisent pour la petite citadine que je fus un champ d'évasion, une invitation perpétuelle à prendre son élan et courir, à caresser l'écorce des arbres, écarter les feuilles au pied de racines pour y chercher des trésors de champignon, humer le parfum de l'aurore, la folle ivresse de l'automne, imaginer un garçon me prenant doucement par la main et me conduisant sur un sentier inconnu où se dresseraient, soudain, les vestiges d'un passé fascinant - des fortifications datant de la première guerre... Des plaies ouvertes du passé, jamais cicatrisées, qu'Annette entrevoit sur Internet en cherchant où pourrait se trouver son frère.


"Elle découvrait à présent que, tout autour de sa ville, des fortifications érigées à l’aube du XXe siècle truffaient les forêts. Il suffisait presque d’écarter les branches des arbres pour tomber dessus. Elle avait dénombré pas moins d’une vingtaine d’abris de combats aux abords de Toul, et autant d’ouvrages d’infanterie et de forts, visitables ou non, et pour la plupart à l’abandon, perchés parfois sur une colline, au milieu d’un champ, le plus souvent engloutis au fond d’un bois. Les photos qui défilaient sur l’écran avaient quelque chose de macabre et de terrifiant. Elles montraient de vieux murs tagués ou couverts de ronces, des cadres de lits en fer rouillés sous de vastes chambrées aux parois voûtées, des couloirs encombrés de débris, inondés d’eau croupie. Telles des guirlandes trop vite arrachées, des ruissellements calcaires descendaient des plafonds. Jamais Annette n’avait vu d’aussi sinistres vestiges. Montait de ces vieux murs en ciment une mauvaise rumeur, une odeur de mort."

C'est grâce à Cédric et Julie Vaubourg, de l'association Fortiff'Seré et à leur formidable blog consacré aux ouvrages de guerre en Lorraine que j'ai pu effectuer les repérages géographiques et topographiques me permettant de créer toute la séquence dans la forêt du toulois. 


(Images tirées du site Fortiff'Séré)




Le coeur de Nancy bat, bordé de cette toison verte ensorcelée de bois, de campagne et de souvenirs. J'y ai écouté l'écho de ma voix, chatouillée par le vent et les cris des oiseaux, loin derrière, appelant mon frère ainé, lui, toujours devant, et qui jouait à me perdre, faisant naître en moi l'angoisse du Petit Poucet abandonné à la forêt par ses parents.


Lorraine

Effroi, excitation, frisson, et sentiment de victoire se succédaient en moi. J'allais couettes au vent, le nez rougi et les doigts glacés, lorsque je dénichais enfin ce frère grimpé en haut d'un arbre, trahi par ses ricanements. Combien j'étais forte sur mes jambes, courageuse et tenace malgré les coups de griffes des buissons. Rentrer ensuite prendre un goûter à la maison prenait des airs de festins glorieux.

C'est de cette exaltation-là, de souvenirs de ma jeunesse, que j'ai voulu habiller quelques chapitres de White Coffee. Gaston, 9 ans, a enfilé mes bottes, avalé un gros morceau de mon courage. C'est pour lui une étape initiatrice qui le prépare à l'âge adulte et à sa grande et belle solitude.


"— Papa!
Le sang martelait ses oreilles. Les poils urticants des feuilles d’orties lui brûlaient encore les doigts. Pas de réponse. Il cria encore. Appela son père, s’enfonçant toujours plus avant dans la forêt. Il avait peur de le perdre. Peur de se retrouver seul. Peur de voir la laie ressurgir au milieu de cette végétation si dense et le charger à son tour. Il manqua plusieurs fois de se prendre les pieds dans des racines. Le sol mou et glissant engloutissait ses baskets. Son bâton lui manquait pour fendre les buissons et repousser les branches qui griffaient sa peau à travers le jean.
— Papa!
Plus un son. Pas un souffle, pas même le vent pour donner un frémissement au sous-bois. Grimpant sur une butte, il s’y percha sur la pointe des pieds et scruta l’horizon mais les arbres étaient trop serrés pour qu’il puisse voir quoi que ce soit à plus de vingt mètres. "



Arizona


Desmond, lui, affronte ses propres doutes, sa peur de l'engagement et se confronte au roc, aux murailles de terre dont il se contente d'abord de contempler les creux et les couleurs, la tête basse, hésitant encore à lier son âme et son esprit à Lola, cette femme qui a surgi dans sa vie, de peur d'y trouver une forme d'aliénation, une perte de contrôle. Mais la nature va se charger de lui faire comprendre combien ce lien peut, au contraire, lui permettre de puiser une force nouvelle en lui.

" Le chemin pentu, à flanc de colline, était jalonné de branches mortes, bordé de ces arbres que l’on ne peut regarder sans éprouver de la peine tant leur feuillage se dépouille à l’automne. Mais une feuille suffisait à leur donner vie, encore, peignant la lumière du sous-bois d’une couleur de sang. Partir en randonnée avec celui qui fut le meilleur ami de son père donnait à Desmond l’illusion de marcher dans les pas de l’autre, de transpirer la même eau, de perpétuer quelque chose dont il ignorait la finalité mais qui au fil des heures, il l’espérait, lui procurerait une forme d’apaisement. La forêt majestueuse entrouvrit un peu plus sa robe sombre, dévoila ses sous-bois embaumés de sève.
— Attention, Des’ ! Ça descend à pic.
Les deux hommes avaient abaissé de grosses chaussettes par-dessus leurs chaussures de marche et, en dépit de la chaleur, préféré le jean au short à cause des moustiques et des arbustes qui griffaient les mollets. Des cailloux se détachaient de temps en temps sous leurs pieds, avertissant du passage des randonneurs lézards et serpents dissimulés sous des rochers caverneux. En contrebas dans le canyon, à peine décelable derrière les bosquets, la rivière amoindrie par un été sec poussait contre le vent des vaguelettes cristallines dont le murmure indiquait la distance qui restait à parcourir."

Arizona

Si j'évoque Nancy et la place Stanislas, bien sûr, je revisite aussi un quartier que j'ai habité lorsque j'avais entre 9 et 16 ans - le secteur Boudonville/rue de la Colline. C'est là, rue de la Croix Gagnée que se trouve la maison de Lola, au numéro 15, là où j'ai vécu sans doute les plus belles années avec ma famille, de 1977 à 1981.  Voici cette fameuse croix qui donne son nom à mon ancienne rue où j'imagine si facilement Lola et ses enfants, Annette et Gaston remontant la rue après l'école et un passage à la boulangerie.




En glissant un décor familier dans ce livre, je redonne vie à des émotions personnelles que je croyais avoir perdu, je me projette plus facilement dans la peau des personnages, fusionne avec Lola. Je connais l'odeur de sa peau, son parfum, les vêtements suspendus dans sa penderie : Lola est un curieux mélange de ma mère et de moi. Je l'imagine facilement faire ses courses à la Sapinière comme si je poussais le caddie à sa place, et je connais ce frisson mauvais de la carte de crédit refusée pour provision insuffisante. C'était l'époque difficile de mes 20/25 ans aux côtés d'un artiste remarquable, brillant, intelligent, mais qui n'avait de cesse de freiner des deux pieds dès qu'il entreprenait quelque chose de formidable comme s'il se refusait le droit au bonheur et à la réussite, vivant nos difficultés économiques comme une fatalité. Un homme qui, avec certitude, aura influencé le personnage de Pierre.




Pas d'évocation de la Lorraine sans ma "madeleine": la mirabelle.


"Un collier de lierre descendait de chaque côté des fenêtres. Parure ostentatoire, abondante. La façade de la maison s’ornait encore de roses trémières aux pétales de porcelaine. Sur la terrasse, autour d’une table en fer aux pieds rouillés, Lola et sa mère triaient les dernières mirabelles, des éclats de soleil dans les cheveux. Gaston en livrait de pleins paniers depuis le verger où son grand-père l’aidait à cueillir les fruits d’or, dirigeait sa main vers les branches les plus généreuses, tenant l’échelle. Un vent au frais accent d’automne apportait leurs voix. La récolte était précoce. Recouvertes d’une pellicule cireuse, parées de taches rouges, les mirabelles chanteraient bientôt dans une bassine en cuivre, embaumant la cuisine.
— Mamie Ophélie, papi a trouvé un orvet !"

Dans ce passage, j'évoque aussi un couple d'amis écrivains qui me sont chers, Gilles Laporte et sa délicieuse compagne Frédérique Volot, en m'inspirant de quelques photos de leur maison qu'ils ont eu la gentillesse de me transmettre. On ne pouvait imaginer plus magnifiques parents pour Lola.

Les voici en conférence au festival Les Imaginales à Epinal

Sans doute aurais-je aimé, dans une autre vie, avoir un père à la barbe si douce et rassurante que celle de Gilles, sans doute aurais-je aimé me sentir choyée dans le beau regard de Frédérique. Et dans leur grande gourmandise littéraire, leur amour des chats et la culture du terroir qu'ils entretiennent, je retrouve un peu de mes parents. Autant donner le meilleur à Lola.

mercredi 28 décembre 2016

L'inconnue de Bagdad Café




Revenir sur la route 66 était non seulement indispensable mais nécessaire pour reprendre l’intrigue là où Black coffee l’avait laissée, soit à sa dernière étape, sur le ponton de Santa Monica Bay. Pierre Lombard, le mari de Lola, se précipitait alors vers un officier de police pour lui demander de bien vouloir contrôler ses papiers d’identité.


Nous avions donc, en perspective, un personnage qui se dévoile, et sur lequel nous avions tout à découvrir.
Revenir dans le passé de Pierre, c’était revenir à Amboy, là où le piège de David Owens s’était refermé, là où tout avait commencé.

"Ode héroïque dressée sur la route, le Roy’s Motel Café offrait au vent ses pompes à essence. Le sable du désert griffait leur métal, tourbillonnait, attaquait d’un même élan le congélateur rempli de glaçons. " 



Retrouver Patti et le Roy’s Motel Café ainsi que tous les personnages qui gravitent autour me permettait de revenir à la source même du mythe que j’avais créé, celui du tueur en série ayant opéré toute sa vie durant sur la Mother road.


"À l’intérieur du diner, chantant un printemps imbécile et frais, la voix de Lena Horne s’envolait d’un juke-box. Accoudée au comptoir, la soixantaine, Patti feuilletait un magazine. Des bouclettes fauves pétrifiées d’un excès de laque ornaient ses épaules. Depuis l’aube, l’établissement connaissait une forte affluence. À dix-neuf reprises, on avait interrompu la serveuse dans sa lecture. Un record à la haute saison. "

Si vous voulez en savoir plus sur l'histoire d'Amboy et du Roy's Motel Café, voici un blog en anglais passionnant à découvrir ici: 




Mais j’ignorais alors qu’une jeune femme avait réellement trouvé la mort dans ce secteur particulièrement désertique de la 66 : April B. Pitzer.
White coffee lui est dédié.
C’est au cours de mes recherches que je suis tombée par hasard sur ce site et que j’ai découvert celle que j’appellerais « la victime de trop ».  



Ce jour-là, en découvrant son visage, sa grande beauté, j’ai été troublée. D'abord, par le fait que nous avons quelques points communs (pommettes, bouche, regard, chevelure): elle ressemble à la jeune femme que j'étais au même âge (ci-dessous, une photo de moi prise par le photographe de l'Est républicain Serge Lalisse à Nancy dans les années 90)



J'ai aussi été bouleversée de découvrir que, la manière qu'à mon personnage David Owens d'approcher ses victime, était similaire à celle utilisé par l'homme qui a tué April.

April B. Pitzer était serveuse au Bagdad Café lorsqu’elle disparut en 2004 aux environs de Newberry Springs à un arrêt de bus. A cette époque, j'imaginais mon personnage déjà dans le secteur.



Nom : April Kurban
Numéro d’affaire : JP 31101963
Disparue depuis le 28 juin 2004, de New
berry Springs, Californie
Affaire classifiée : Disparition inquiétante
Date de naissance : 19 février 1974
Âge : 30
Taille : 1,78m
Poids : 55kg
Couleur des cheveux : Roux
Couleur des yeux : Marron
Race : Blanche
Genre : Féminin
Signes distinctifs : cicatrice du côté

gauche de la poitrine, absence de dentition supérieure, cicatrice au coude, à la lèvre. Peau moyennement claire.
État de santé : Bipolaire (sous traitement médical)
Habillement : Chaussures de sport ou sandales pointure 39
Bijoux : Collier indien en pierres turquoise avec deux plumes argent

Tout ce qui est dit dans le roman au sujet de cette jeune-femme est authentique, de la couleur de cheveux à la pointure des chaussures. J’ai simplement changé son nom (par égard pour sa famille), imaginé qu'elle avait croisé le vieux Dave, et j'ai accroché un collier à son cou pour la nécessité de l'histoire.


Dans cette triste et véritable affaire, depuis le début, la police est passée à côté du suspect numéro 1 - un homme plus âgé avec lequel elle avait une relation amicale. 
Un homme qui évoque vraiment le personnage de Dave. 
Un homme qui n'a pas agi seul.
Comme souvent dans ce genre d’histoire, la victime est présentée comme « coupable » d’un égarement, d’une négligence. Le moindre accroc à son casier judiciaire, un petit détail dans son dossier médical, une vie passée instable, et la voilà suspecte d’avoir couru à sa perte. Ainsi, la mère d’April a battaillé durant de longues années pour que la vérité soit enfin faite sur la mort de sa fille.


"April Kurban. Une jolie rousse – quoiqu’un poil trop maigre au goût du shérif – râleuse, aguicheuse. Patti, avec trente ans de mois. Si Beth Kurban souffrait de ne pas savoir ce qu’il était advenu de sa fille, les bruits qui couraient à son sujet la blessaient tout autant. April n’était ni une droguée ni une femme battue. Elle le jurait, main sur le cœur, le répétait sur les réseaux sociaux et aux membres bénévoles des organisations Let’s Bring Them Home, the Kristen Foundation et Texas Equusearch. Trois des incisives supérieures de sa fille avaient été brisées dans un accident de voiture et non par le poing d’un amant jaloux – accident dont April conservait aussi plusieurs cicatrices, sa tête ayant traversé le pare-brise.
La jeune femme était-elle enfouie là quelque part, avec des dents toutes neuves, à l’opposé du secteur où on la cherchait depuis des années ? "

En 2013, on retrouvait des ossements dans le désert. De nombreux sites de recherches et beaucoup de discussions associées sont toujours ouvertes au sujet de sa disparition. Voici un lien Unresolved Mysteries qui vous dirige vers une de celles qui m'ont intéressées, car il y est question d'Uncle Chuck, ce type du côté duquel la police a négligé d'enquêter.



April allait pencher sa chevelure sombre sur le récit, hanter de sa présence le récit de White coffee.  Elle allait aussi inspirer le séquençage du livre, associant une chanson et une saison particulière, son parfum d’été ou d’automne à l’histoire.
It might, as well, be spring...

Cliquer sur l'image pour écouter Lena Horne.