roman

vendredi 23 décembre 2016

Faire des repérages comme on fait ses courses




En me promenant sur mon vélo de location - sac dans le panier avec un carnet de notes à portée de main, et téléphone portable en mode photo – j’ai fait plusieurs fois le tour de la ville, en long, en large, et en travers, avec ce plaisir délectable que procure ce sport. Forcément, Desmond G. Blur aurait aussi un vélo pour aller et venir, qu’il enfourcherait comme moi, avec une certaine raideur propre à ceux qui n’ont pas une pratique régulière de ce sport.

"Le président Trauer l’avait convié à dîner en dehors de l’institution. Soulagé de franchir enfin les barrières qui retenaient les festivaliers à l’intérieur de la ville, Desmond s’était rendu à Mayville sur un vélo loué chez Jamestown Cycle, panama au vent, les pans d’une veste en lin battant ses flancs. "

Dans la peau de mon personnage, j’ai fait les repérages comme on fait ses courses, glanant ça et là des idées de scènes, imaginant quels outrages je pouvais ainsi infliger à une ville si coquette ! En fait, j’avais gardé un souvenir assez fidèle de ma première venue.
















Nous étions alors en famille, accompagnés de nos amis du restaurant gastronomique La Fleur , Jonathan et Saskia. Mon fils, âgé de 4 ans, avait fait trempette dans la fontaine. Nous avions pris quelques photos.
Ce moment a inspiré une scène du roman.




"De la fontaine gronda le fracas d’un rêve qui se brise.
Desmond se rapprocha du groupe ramassé autour de la petite Scarlett en pleurs et reconnut la fillette au ballon. Sa natte pendait le long du dos, flasque. Tous les regards convergeaient en un point du bassin. À côté du ballon, quelque chose flottait à la surface de l’eau."




Nous avions aussi remarqué de nombreux écureuils, et croisé près d'un érable aux feuilles rousses un vieil homme qui pestait à leur propos, se plaignant des nuisances qu’ils occasionnaient.




Cet habitant un peu aigri ignore sans doute qu’il a éveillé en moi une idée d’où a germé progressivement l’intrigue même de White coffee
Une intrigue qui m'amena à faire des recherches bien particulières...




"Petites, couleur de cendre, rondes et craquelées. Le vieil homme les écarta de l’index pour en évaluer la consistance ; elles collaient légèrement à sa peau. L’animal avait abandonné là ses déjections. Et à en juger par le nombre de ces petites billes autour de l’épicéa et les traces de coups de dents portés à l’écorce, le terrier ne devait pas être bien loin. Le vieil homme se redressa en soupirant comme l’on revient d’un long voyage, faisant craquer les articulations de ses genoux."

Si la ville m’avait emballée, l’hôtel avait lui totalement excité l’auteure qui sommeille toujours en moi, même en congés : il avait tout pour appeler les mystères, les secrets d’hier enfouis sous d’épaisses moquettes, tapi sous de nobles escaliers.



"— On prétend que Thomas Edison traverse les couloirs du deuxième étage une ampoule à la main. D’autres auraient entendu des sons étranges, comme les pleurs d’un enfant. "

Ses grincements de parquets, sa cabine téléphonique et son vieux comptoir comme on en voit que dans les vieux films d’espionnage, la façon dont la lumière y pénétrait, divisant l’espace en deux mondes opposés (la clarté, l’obscur), son papier-peint rose thé digne du cottage de Miss Marple, son apparente sérénité… 









... Tout, en cette antique bâtisse, m’appelait, me conviait à jouer, à faire voler en éclats ce qui ne relève que de l’apparence, en un mot, à me pousser à y commettre un crime.

" Le professeur retira ses lunettes et, massant l’arête de son nez, s’appuya contre le dossier de sa chaise.
— Le président Trauer m’a parlé d’un crime qui aurait eu lieu à l’Athenaeum."

Mais quel crime?
Pas besoin d'y réfléchir longtemps: lorsque je reviendrais à Chautauqua pour la préparation du roman, il se révèlerait que quelque chose s’était effectivement produit entre ces murs.





Il n’y a pas de hasard, seulement un chemin buissonnier sur lequel notre imaginaire nous mène  - si toutefois nous avons la capacité et la volonté, alors, de nous laisser faire. 
Un chemin cerné de ronces bien réelles.






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